De fin août à début septembre, nous avons gagné un peu de hauteur en allant grimper des projets plus en altitude, dans la High Sierra. La High Sierra, c’est le nom que l’on pourrait donner aux montagnes les plus hautes de la Sierra Nevada. Si l’on exclue Tuolumne Meadows, qui est décrit dans un précédent article, nous avons grimpé sur quatre sommets de la High Sierra : Incredible Hulk, Bear Creek Spire, Mount Russel et Mount Whitney. Entre chaque sommets, nous avons aussi fait quelques visites touristiques et quelques sites d’escalade qui étaient sur le chemin et que nous décrirons aussi dans cet articles car ces étapes peuvent bien s’intégrer sur ce parcours.
Nous avons choisi d’aller dans la High Sierra en fin d’été pour être sûr qu’il ne reste pas de neige en altitude et pour ne pas devoir emmener notre matériel de glace en plus du matériel d’escalade.
Le système de permis
Avant de décrire les voies que nous avons fait, nous voulions décrire la situation des permis. En effet, pour ces montagnes et pour beaucoup d’endroits de la Sierra Nevada, il est nécessaire de demander un permis afin de pouvoir dormir et rester plusieurs jours sur place. Cette situation peut sembler compliquée mais avec un peu de flexibilité et d’organisation la demande de permis peut s’obtenir facilement. Les permis se demandent à des Ranger Stations. En général, c’est la Ranger Station la plus proche de la montagne ou de la zone où l’on veut bivouaquer qui délivre le permis (plus de détails sont fournis par les topos). Ces permis sont gratuits. Le nombre de place est limité et varie selon la zone demandée. Par exemple, pour la vallée de Hulk, il y a 8 places de disponibles chaque jours, ce qui correspond à 8 personnes. Plus on se rend tôt à la Ranger Station, plus on a de chance d’avoir une place. La validité du permis commence le jour de la demande et peut être demandé pour plusieurs jours consécutifs (maximum 15 jours pour Hulk).
Incredible Hulk
Cette montagne se trouve dans la Hoover Wilderness, elle même située au nord du parc national du Yosemite. Les topos parlent du meilleur rocher de la High Sierra et on y trouve un choix de grandes voies longues et soutenues.
Nous sommes resté deux jours sur place. Le premier jour, nous avons fait la marche d’approche en 4 heures. Le chemin est bien décrit pour la plupart mais à la fin est pénible et dure à trouver. Il ne faut pas aller vers le lac mais plutôt directement viser le pied de Hulk comme les bonnes places de bivouac se trouvent là.
Le bivouac ressemble à un petit camp de base avec une vue direct sur le Hulk et les différentes voies. Mais comme on se trouve dans une cuvette, la vue sur les autres montagnes est limitée. Le bivouac est donc idéal pour l’escalade mais pas juste pour venir dormir et avoir une belle vue sur les montagnes en général.
Nous avons choisi de grimper Red Dihedral (10b) qui est une grande classique et la voie la plus abordable. Après une première impression du site, ce serait tentant d’y revenir pour faire Positive Vibrations (11a) et Sunspot Dihedral (11b). Si on grimpe dans le 12 dans ce style, il y a aussi de quoi s’éclater.

Du bivouac, le pied de la voie s’atteint en une demi heure. Le chemin est facilement repérable du bivouac.
L’escalade commence avec du terrain facile (entre marche et escalade facile), puis nous avons fait une longueur rallongée partiellement en simultané et avec plusieurs passages costauds (5.9) pour arriver au pied du dièdre. Ce fameux dièdre est le cœur de la voie. C’est une fissure de mains parfaite pendant 40 mètres avec le passage clé plus technique à la fin pour sortir du dièdre. Deux longueurs plus tard, c’est une seconde longueur majeure qui nous attend et on grimpe notre premier splitter crack (fissure parfaitement parallèle se trouvant dans un mur lisse où le coincement est obligatoire).
Après trois longueurs moyennes, nous sortons sur l’arête et marchons jusqu’au mur final. Ce sont deux longueurs avec des cheminées abordables et à part d’une vire très sableuse, elles sont sympa. La sortie finale passe dans un tunnel assez étroit où Michel a dû se faire plus mince en ôtant quelques friends de son baudrier alors qu’Estelle est passée sans problème. Une minute plus tard, nous pouvons profiter du sommet.
Après une descente en désescalade, deux rappels et la marche dans le couloir, nous retournons à notre bivouac où nous discutons de la voie en prenant notre déjeuner. Nous sommes d’accord que c’est une voie qui mérite d’être classique avec quelques superbes longueurs et un beau sommets à la clé. Cependant, au moins la moitié des longueurs ne sont pas exceptionnelles à cause des terrasses et d’une escalade inhomogène.
De retour dans la vallée, nous avons été aux sources d’eau chaude naturelles de Buckeye. Ces sources sont situées à côté d’une rivière où de petites piscines ont été aménagées pour créer des basins d’eau chaudes qui contrastent avec l’eau froide de la rivière.
Bodie et Mono Lake
En route vers le sud, proche de la ville de Lee Vining, nous nous sommes arrêté au State Park de Bodie et au Mono Lake.
Bodie est une ville fantôme qui c’est crée à la fin des années 1880 suite à la découverte et à l’exploitation de l’or. Suite à l’épuisement de la mine et à plusieurs incendies les habitants ont fui cette ville et au début des années 90, elle fut transformée en State Historic Park notamment avec l’aide d’anciens habitants. Les bâtiments sont bien conservés et la ville a gardé son authenticité.
Nous sommes allés assisté au levé de soleil au Mono Lake. Quelques photographes étaient là aussi pour essayer de capturer la belle ambiance. Notre appareil photo est un peu limité pour cela mais Basil, avec qui nous sommes allé à Emigrant Wildeness y a pris quelques beaux clichés que vous pouvez découvrir sur son site en lien de cet article.
Bear Creek Spire
Nous avons fait ce sommet de 4180 mètres d’altitude car il est situé dans la John Muir Wildeness un endroit avec une forte concentration de lacs que nous avions envie de découvrir. Nous n’avons pas demandé de permis pour bivouaquer, pour cela nous avons choisi d’y monter par la voie la plus facile Northeast Ridge (5.5), qui se définie plus comme une course de montagne que de l’escalade.
Si on veut faire un sommet assez haut avec une belle vue sur la Sierra Nevada et sur les nombreux lacs de la région, sans beaucoup de difficulté technique, ce sommet est idéal. La marche d’approche suit d’abord un bon chemin de randonnée qui passe à côté des nombreux lacs, mais comme nous avons commencé la marche d’approche à 5 heures du matin dans le noir, nous avons découvert la plupart de ces lacs lors de la descente. Le lever de soleil sur Bear Creek Spire lorsque nous étions à côté des Gem Lakes était magnifique. La deuxième partie de la marche d’approche traverse un pierrier dont quelques parties étaient encore en neige.
L’arête nort-est commence à partir d’un col sans beaucoup de difficulté au départ puis il faut chercher son chemin au travers des nombreuses fissures qui offrent quelques mètres d’escalade. La partie finale de l’arête est aérienne mais malheureusement courte. Le sommet est assez étroit et se trouve sur un bloc qui doit se grimper sans protection. Nous l’avons donc grimper chacun notre tour.
A part d’un rappel directement à partir du sommet, il n’y a plus besoin de corde pour la descente. En revanche, la neige peut être gênante sur la partie haute du pierrier.
Les sources d’eau chaudes de Mammoth Lakes
Continuant toujours notre route vers le sud, nous nous sommes arrêté aux sources d’eau chaudes de Mammoth Lakes. Plusieurs bassins naturels ou aménagés sont situés au sud de la ville autour de la Benton Crossing Road.

Pine Creek Canyon, Bishop
Avant de retourner dans les montagnes nous avons fait une pause de trois jours à Bishop. Si le coin est avant tout connu pour le bloc, on y trouve aussi des sites de couannes comme Owens River Gorge et Pine Creek Canyon. En cette fin de mois d’août, les températures tournant autour de 30°C, nous avons choisi de grimper à Pine Creek Canyon, au secteur Pratt’s Crack qui est à l’ombre, plutôt que de rôtir sur les blocs de Bishop ou les falaises de Owens River Gorge.
Il y a un très grand de choix de voies d’une longueur et des grandes voies courtes. Le granite offre quelques fissures mais la plupart des voies sont dans un style vertical assez technique sur des petites réglettes qui sont souvent orientées dans le mauvais sens. Ainsi, il faut pas mal de créativité et de finesse pour trouver les solutions. Dans ce style, nous avons trouvé la voie Coven (11a) exceptionnelle. Elle combine différentes structures comme des failles, des knobs et des dikes. Selon les foules qui la grimpent c’est probablement la grande classique du site. Phenomena (11b) nous a aussi bien plu même si l’escalade est encore plus fine que celle de Coven.
Mais nous avons trouvé quelques voies plus physiques pour satisfaire aussi les biceps comme Flamethrower (11c) avec son passage de toit et Salamander Slayer (11c) en léger dévers.
Dès qu’on entre à Pratt’s Crack Canyon on voit des dièdres très impressionnants avec un rocher très lisse et des falaises hautes. Le dièdre de gauche contient une fissure large : Pratt’s Crack (5.9), la voie qui donne le nom au site. On s’est tout de suite dit que ça a l’air génial et horrible à la fois. Deux jours plus tard, après avoir fait une visite au magasin d’escalade, Michel a poussé le Camelot Nr.6 devant lui pendant 40 mètres avant de clipper le relais et Estelle a enchainé la voie en moulinette et avec style.
Des blocs coincés à l’intérieur de l’offwidth et quelques pieds à l’extérieur rendent l’ascension plus facile qu’elle n’en a l’air. Nous étions content d’avoir enchainé une voie si particulière dans un style d’escalade que nous aurions jamais essayé avant le voyage.
Sheila (10b), le deuxième dièdre à droite de Pratt’s crack, est une super classique qui mérite sans doute le maximum d’étoiles. C’est aussi pour cela que nous avons du attendre le 3ème jour de grimpe au site pour finalement trouver cette voie libre! Cela doit être dû à sa diversité de grimpe durant 40 mètres : fissure de doigts, fissure de mains, passage engagé en dulfer, une cheminée et une traversée pour terminer.
Mount Whitney et Mount Russel
Enfin, nous sommes descendu encore plus au sud pour tenter l’ascension du Mount Whitney et du Mount Russel. Comme pour Incredible Hulk, nous avons demandé un permis pour bivouaquer au pied du Mount Whitney, au lac Iceberg. Est-ce de la chance ou non, nous avons eu le permis facilement. Avec des risques d’orages annoncés dans l’après midi de notre jour de montée au bivouac, nous sommes parti le plus tôt possible. Après 5h de marche, encore avec nos gros sacs, la bear box et de la nourriture pour 5 jours, nous arrivons au lac Iceberg. C’est à peine notre tente montée, que nous sommes accueilli par la grêle. Au moins nous ne faisons pas parti de la cordée qui était dans la voie du mont Whitney au même moment.
Le lendemain, comme annoncé, la météo est au beau et nous partons faire la Fishhook Arete (5.9, 9 longueurs) au Mount Russel. La marche d’approche commence par une montée pénible au col Whitney-Russel qui donne accès à un magnifique plateau. Le fait qu’il n’y ait aucune autre cordée, a renforcée l’impression de solitude de ce bel endroit. La Fishhook Arete se détache de façon très caractéristique et forme une ligne évidente qui attire le grimpeur. L’escalade commence avec une belle longueur en fissure. Ensuite, on grimpe sur l’arête (ou sur les fissures à côté). Celle-ci nous emmène jusqu’à une brèche d’où part un pilier magnifique qui monte sans interruption jusqu’au sommet. Nous avons beaucoup apprécié la combinaison entre l’escalade aérienne sur du bon granite, l’esthétique de la voie et l’ascension d’un 4000 (un des 14 000 pieds de la High Sierra) avec une vue panoramique.
En rentrant, nous avons eu la surprise de découvrir que quelqu’un était venu se servir dans nos réserves de nourriture. En effet, ayant pris de la nourriture pour 5 jours (et vous connaissez l’appétit de Michel), tout n’est pas rentré dans la bear box. Nous avions donc caché une partie sous des pierres. Cependant, cela n’a pas arrêté les écureuils de se faufiler entre les pierres et de se remplir l’estomac. Malheureusement, il ont l’air de bien apprécier le chocolat. Nous avons donc essayé une autre stratégie qui c’est révélée plus efficace, celle de suspendre notre nourriture à un bâton de marche.
Le jour suivant, nous avons fait le Mount Whitney par la voie East Butress (5.7, 11 longueurs). Comme la voie est orientée plein est, le soleil chauffe dès le matin. C’est donc assez exceptionnel de pouvoir grimper au dessus de 4000 mètres dès le lever de soleil. La voie est une longue succession de petits murs, piliers et dièdres. L’escalade n’est jamais dure (nous avons fait le dernier tiers en corde tendue) mais quand même intéressante.
Nous avons fait notre pause en toute tranquillité, 15 mètres au dessous du sommet avant de monter sur le plateau. Au sommet, nous avons rejoint les randonneurs qui arrivent par l’autre côté de la montagne qui est beaucoup moins raide.
Nous sommes descendu par la Mountaineers Route, un couloir qui redescend directement au lac Iceberg. Les conditions pour cette descente sont cruciales car la neige peut rendre la descente difficile voir impossible.
L’escalade est un bon moyen de pouvoir faire le sommet du Mount Whitney car le permit pour faire l’ascension par le chemin de randonnée est très prisé et s’obtient par tirage au sort. Cela est dû au fait que c’est la plus haute montagne des États-Unis hors Alaska (4421 mètres d’altitude).
Nous aurions encore voulu faire, le Mitral Dihedral au Mount Russel mais le froid et le vent qui sont arrivés nous ont forcé à renoncer. Nous sommes donc redescendus pour dormir dans les Alabama Hills. L’endroit n’est pas seulement utilisé par Hollywood mais aussi par les campeurs qui souhaitent dormir dans ce labyrinthe de petites tours.
Ayant trouvé un coin pour mettre notre tente, par hasard à côté d’un secteur d’escalade, nous avons grimpé une voie, avant la tombé de la nuit. Cette voie, Pangborn (10a) est très longue et assez particulière comme on grimpe sur une centaines de petites failles plutôt fragiles.
Après une recommandation de grimpeurs que l’on a rencontré à Iceberg Lake, nous sommes remontés à Whitney Portal pour faire la voie Bony Fingers (5.11b, 2 longueurs). C’est une fissure de doigt raide et soutenue qui serait normalement dans le 5.12. C’est la myriade de knobs (qui s’utilisent pour les pieds et parfois pour les mains) qui donne le caractère si unique à cette voie et qui permet de la grimper en 5.10. Le passage le plus dur de la voie (se qui fait qu’elle est cotée 5.11b) est la dalle du début, que nous n’avons pas grimpé en libre. Le relais est aussi génial que la voie avec les sangles à mettre autour des knobs géants. La deuxième longueur est similaire à la première mais moins raide et donc plus facile. Cette voie était une super découverte et est devenue une de nos voies préférées de tout le voyage.
Avec l’été qui touchait bientôt à sa fin, nous avons fini cette étape de « haute montagne » et nous sommes partis encore plus au sud de la Sierra Nevada découvrir le site des Needles.